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  • Photo du rédacteurValère

Science encore !


Poursuivons cette semaine l'exploration des différentes questions scientifiques du programme ADACLIM... et découvrons quels sont les grands enseignements de ce suivi à long terme...



Question n°4 : où les mergules passent-ils l'hiver ?


Pour répondre à cette question, une trentaine d'oiseaux sont équipés chaque année d'un capteur de lumière (GLS), qui permet de déterminer (avec une précision relative) leur longitude et leur latitude.

oiseau équipé d'un GLS, fixé sur une bague métallique percée à la patte droite, et d'une bague de couleur verte à la patte gauche (pour faciliter son observation)


Mais pour récupérer ces précieuses données, encore faut-il... recapturer les oiseaux l'été suivant !


Pour cela, je vais vous délivrer une des ficelles du métier (c'est le cas de le dire) : armez-vous d'un bout de ficelle (justement), d'un peu de patafix, et de pas mal de patience (si vous avez quelques jours devant vous, c’est mieux 😉), confectionnez un lasso, que vous poserez sur le caillou préféré de l'oiseau, attendez qu'il veuille bien passer une patte dans la boucle... et... TIREZ !


carte des zones d'hivernage de différentes colonies de mergules ; pour la colonie étudiée au Groenland Est "EG" il s'agit de la zone rose au large de Terre-Neuve (Fort & al, 2013), où les tempêtes hivernales sont monnaie courante




Question n°5 : de quoi se nourrissent les mergules ? et que ramènent-ils à leur poussin ?


Cette fois-ci, repérez un adulte dont la poche gulaire, sous le bec, est bien gonflée (voire dégouline de gras) puis capturez-le, et videz-la-lui (désolé vieux, c'est pour la Science). Pesez ensuite les échantillons en laboratoire et déterminez les espèces proies.

mergule à la poche gulaire gonflée, d'où dépasse une proie inhabituellement grosse (Themisto libellula), alors que la grande majorité de ses proies sont de petits copépodes de quelques millimètres de long (voir ci-dessous)


Le principal constat issu de l'analyse de ces régimes alimentaires est que les différentes espèces de copépodes dont se nourrit le mergule remontent vers le Nord. Avec un problème majeur : l'espèce la plus au sud est moins riche en lipides que les deux autres, et donc moins intéressante en termes énergétiques pour le nourrissage du poussin.




Question n°6 : où les adultes vont-ils se nourrir ? combien effectuent-ils de plongées ? quelle quantité d'énergie dépensent-ils ?


Méthode : capturez un adulte reproducteur, fixez-lui une petite merveille de technologie ultra-légère (GPS ou enregistreur de plongée ou accéléromètre) sur les plumes à l'aide d'un scotch spécial, faites-lui une marque de couleur au niveau de la poitrine (pour le repérer ensuite plus facilement), puis laissez-le vaquer à ses occupations pendant 3 à 4 jours.


Et ensuite... essayez de le recapturer ! pour lui retirer l'appareil et pouvoir décharger les données.

oiseau équipé d'un enregistreur de plongée (2015)



Voici quelques chiffres issus de l'analyse des données recueillies par ces appareils :

- la zone d'alimentation des mergules est située à environ 100 km au large de Kap Høegh

- la durée moyenne d'un voyage complet est de 32h

- la durée de chaque plongée est d'environ 1 minute

- les mergules plongent généralement à des profondeurs de 10 à 40 mètres !



Et les profils de plongée peuvent être mis en rapport avec le régime alimentaire des mergules, comme dans l'exemple ci-dessous :

à gauche un individu "classique", qui s'est nourri de copépodes (trait blanc = 1 mm) à des profondeurs de 15-20 m (avec une quarantaine de plongées effectuées en une heure, excusez du peu), et à droite un oiseau qui est principalement allé se nourrir à faible profondeur (<5m) d'une espèce d'amphipode associée à la glace de mer (source : rapport ADACLIM 2015)




Quels sont les principaux enseignements de ce suivi à long terme ?


Les suivis scientifiques ont montré que la colonie est soumise à une variation rapide de ses conditions environnementales avec, notamment, une augmentation des températures et une diminution des étendues de glace de mer en été. Ces changements s'accompagnent d'une remontée des espèces proies vers le Nord. Dans ces conditions, les mergules font preuve de "plasticité" et les colonies du Groenland Est pourraient même bénéficier temporairement de ces conditions climatiques plus douces. Mais la situation plus préoccupante pour les colonies du Svalbard (où la température des eaux marines est plus élevée) ainsi que les menaces liées aux pollutions (mercure, micro-plastiques) et au développement de nouvelles activités humaines (zones d'exploration pour les hydrocarbures, nouvelles routes de transport maritime) sont des sources d'inquiétude importante et justifient la nécessité de poursuivre ces études sur le long terme.


carte des futures activités humaines projetées (hydrocarbures en noir, routes maritimes) au regard des zones de présence des mergules aux différentes saisons, autrement dit de leur domaine vital (Fort & al, 2013)




Pour en savoir plus :


Pour toutes les personnes intéressées par la vie des oiseaux marins et des chercheurs qui les étudient, je vous conseille la lecture du livre passionnant de David Grémillet, Les manchots de Mandela, que vous pouvez commander dans toute bonne librairie indépendante !


Ainsi que le visionnage du riche et beau documentaire (15 min.) d’Aurélien Prudor disponible ici : https://vimeo.com/289469043


Et enfin, les références de 2 articles scientifiques cités ou utilisés ci-dessus :




[prochain épisode 5/10] Vie de cabane

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